2houses mérite-t-il votre argent ?

La startup 2houses effectue actuellement sa levée de fonds sur My Micro Invest, la plate-forme de « crowdfunding » (financement participatif) récemment lancée par José Zurstrassen (créateur de Skynet et de Keytrade Bank). Un jour, il faudra que je vous explique ici ma fascination pour le crowdfunding et de son impact potentiel sur l’innovation, l’entrepreneuriat et les industrielles culturelles. Pour l’heure, comme j’aime bien ce projet que je trouve assez bien charpenté (ce qui n’est pas forcément le cas de tous ceux qu’on voit passer sur les sites belges de crowdfunding), je voudrais donner un coup de pouce à l’équipe de 2houses dans la dernière ligne droite.

Mais, comme on dit outre-Manche, « no pain, no gain ». Au lieu de vous proposer une description sommaire de ce que fait cette startup, j’ai voulu aller plus loin en demandant à Gill Ruidant, un des fondateurs, de nous détailler sa stratégie sur dix points-clés qui s’avèrent critiques pour toute jeune pousse qui espère réussir. A vous, ensuite, de vous faire votre propre opinion sur base de cette grille d’analyse et, pourquoi pas, d’investir vos deniers sur My Micro Invest. Attention, la levée de fonds s’achève ce 31 octobre.

1. Les clients et la proposition de valeur. Les parents séparés/divorcés avec enfants de moins de 18 ans – ayant un accès Internet. 2houses est une plateforme web qui aide les parents dans cette situation à communiquer et à s’organiser pour ce qu’ils ont de plus cher au monde: leurs enfants.

Mon avis : cette typologie est un peu sommaire et les créateurs de 2houses gagneraient à segmenter rapidement leur clientèle. Cette délimitation s’opérera probablement par le « learning by doing » à mesure que 2houses engrangera des utilisateurs payants

2. Les canaux de marketing. Sept leviers sont utilisés : SEO, SEA, les intermédiaires (médiateurs, avocats, psychologues…), les membres existants (via un système de parrainage), la distribution d’un guide (« Les règles d’or de la co-parentalité ») sur papier (distribué dans les salles d’attente des intermédiaires) ainsi que sur le Net (via l’e-mailing et la SEO) et enfin, le branding.

3. Revenus fixes/variables et structure de coût. 2houses tire ses revenus de deux façons : les abonnements payants (sur base annuelle et mensuelle) et gratuits soutenus par la publicité. D’autres sources de revenus sont envisagées : le sponsoring du guide par les annonceurs et le lancement d’un annuaire de professionnels (médiateurs, psys…) pouvant aider les parents séparés.

4. Le « customer pain ». Assez évident, particulièrement chez les parents qui ont une vie professionnelle bien remplie et qui doivent jongler entre les rendez-vous, les courses, les activités des enfants etc. 2houses tente d’apporter une solution pratique à ces problèmes de coordination, mais aussi de réduire le côté émotionnel pour réduire les conflits en vue d’une communication plus saine entre les parents séparés. Selon Gill Ruidant, 2houses veut faire en sorte que l’enfant ne dsoit plus le messager entre les deux parties,

5. La concurrence. 2houses doit compter avec un rival américain assez costaud, Ourfamilywizzard. Comme avantages compétitifs, 2houses met en avant son interface multilingue et extrêmement intuitive, son respect des règles locales des pays visés par la stratégie, l’accès à l’information en temps réel sur les smartphones (une application iPhone est en préparation pour novembre) et enfin, le fait que les autres calendriers en ligne (Google Calendar) ne sont pas totalement adaptés aux besoins des parents séparés.

Mon avis : c’est un bon début mais la « localisation » de la plate-forme n’est pas suffisante pour maintenir l’avance de la société. 2houses devra probablement trouver sa « killer app » qui rendre son outil indispensable pour les cibles.

6. Break-even financier. Attendu pour le premier semestre 2015.

7. La « scalability » du modèle économique. Par « scalability » (extensibilité en français), on entend ici la capacité du modèle économique à se déployer à grande échelle sans qu’il soit nécessaire de brûler un gros montant de cash. La levée de fond actuelle entend couvrir les besoins pour développer le marché européen, ce qui signifie l’engagement d’une personne au niveau local pendant un an quand 2houses s’implante dans un nouveau pays: analyse légale, spécificités, démarcher intermédiaire, etc.

Pour les zones hors Europe, 2houses mise un système de licence : le partenaire local couvre le sales/marketing, tandis que 2houses s’occupe du développement et du support. Ceci permet de ne pas générer des besoins en cash supplémentaires (ou minimes) et de soutenir le développement. Un premier accord de « licensing » a été signé avec un partenaire canadien.

8. Le taux de conversion. La transformation visiteur / utilisateur gratuit s’élève à 11% (pas mal pour un jeune projet). Le taux utilisateur gratuit / payant n’est pas encore connu, les formules payantes ayant été lancées il y a un mois.

9. L’équipe. Outre Gill Ruidant, on compte un développeur, un CRM, un designer free-lance, un étudiant en charge du Community Management. L’année prochaine, 2houses compte élargir l’équipe avec un marketeer, un Product Manager, deux vendeurs et une personne pour l’administration.

10. A quoi va servir l’argent récolté. Investir dans le développement et le marketing afin de devenir un produit de référence dans le marché.

En conclusion, il y a trois enjeux dans le projet : la définition de la clientèle (quelle niche 2houses arrivera-t-elle à trouver ?), la création d’outils qui rendent captifs les utilisateurs payants sur une longue durée et enfin, le déploiement dans d’autres pays sans que cette expansion ne consomme trop d’argent. Personnellement, je pense investir dans 2houses (même s’il s’agira d’une somme négligeable) pour suivre de près comment les créateurs résoudront ces trois inconnues. C’est un des effets troublants du « crowdfunding » : en abaissant drastiquement le seuil d’entrée dans le capital d’une société, ce système permet d’investir dans une startup comme on achète des places pour un spectacle. A la différence près que personne ne sait si, à la fin, il y aura un « happy end ».

  • (commentaire reçu par mail)

    Bonjour,

    Excellent article sur ce projet. Toutefois, concernant le point #5 (concurrence), vous oubliez de citer myfamilink.com, Société française issue d’une entreprise professionnelle d’informatique, myFamilink est actif depuis 2010 avec plus de 8.000 membres et sur un modèle économique fort différent (totalité des services à la famille gratuits, seuls les rappels persos par SMS sont payants).

    Jean-Philippe L. РG̩rant
    MyFamilink.com